L’Aïkido est un art martial pensé pour tous, sans distinction de force ou de gabarit. Pourtant, dans la pratique quotidienne, certaines situations peuvent rendre l’expérience plus difficile pour les femmes. Il ne s’agit pas de modifier la discipline, mais de réfléchir à la manière dont les clubs accueillent, accompagnent et valorisent les pratiquantes. Quelques ajustements simples peuvent suffire à rendre les dojos plus inclusifs, plus respectueux et plus fidèles encore à l’esprit d’harmonie de l’Aïkido.
Construire une culture de l’attention dès l’enfance et l’adolescence
L’accueil des femmes en Aïkido ne commence pas seulement à l’âge adulte : il se prépare dès les premières années de pratique.
Chez les enfants, il est essentiel de poser les bases d’un dojo respectueux et bienveillant : pas de moqueries sur le physique, pas de stéréotypes de genre, mais une coopération où chacun apprend à travailler avec tout type de partenaire. Ces petites attentions comptent, car elles influencent la manière dont une fillette perçoit sa place sur le tatami.
À l’adolescence, les enjeux évoluent : le rapport au corps change, et la question des menstruations peut créer gêne ou inconfort. Il est important qu’une adolescente puisse dire qu’elle a besoin d’adapter son intensité ou de s’épargner certains exercices, sans se sentir jugée. Créer un climat de confiance, où la parole est entendue, est un signe fort d’accueil et de respect. Malheureusement, le sujet est encore tabou aujourd’hui, et même parfois tu jusqu’à l’âge adulte.
Adapter la pratique pour un meilleur respect du corps féminin
L’Aïkido est par nature une pratique respectueuse, mais certains gestes demandent une attention particulière lorsqu’ils concernent le corps féminin :
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Ikkyo : lors des immobilisations, éviter que le genou ne vienne heurter la poitrine.
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Shiho nage (sur Yokomen) avec tanto : un atemi dirigé sur le torse peut être mal vécu s’il n’est pas expliqué et encadré avec tact.
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De manière générale, rappeler l’importance d’adapter la puissance en fonction du partenaire n’est pas une concession, mais un approfondissement technique.
Ces ajustements, loin de réduire la discipline, la rendent plus fidèle à ses valeurs : précision, respect et coopération.
Les conditions matérielles : un frein à lever
La question des vestiaires revient souvent dans les témoignages de pratiquantes. Beaucoup de clubs dépendent des infrastructures municipales, et il n’est pas toujours possible de disposer d’espaces séparés. Pourtant, cela reste un point crucial.
Lorsqu’il n’y a pas de solution immédiate, certaines initiatives peuvent être envisagées : horaires différenciés pour l’accès aux vestiaires, aménagements temporaires, ou dialogue avec les collectivités pour améliorer les conditions. Ces efforts montrent aux pratiquantes que leur présence est prise en compte.
Les femmes enseignantes : des rôles modèles indispensables
Les statistiques fédérales sont claires : plus on monte en grade, moins les femmes sont nombreuses, et elles sont encore moins présentes parmi les enseignants diplômés.
Pourtant, leur rôle est essentiel :
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Elles offrent des modèles d’identification pour les nouvelles pratiquantes.
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Elles incarnent des approches techniques variées, montrant que l’Aïkido n’appartient pas à un seul gabarit ou une seule morphologie.
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Elles créent un effet de sororité : voir des femmes enseigner donne envie à d’autres de persévérer, de passer leurs grades et de transmettre à leur tour.
Mettre en valeur les femmes enseignantes dans la communication des clubs et les encourager dans leurs parcours de progression, c’est ouvrir la voie à davantage de diversité sur les tatamis.
Conclusion
Améliorer l’accueil des femmes en Aïkido, ce n’est pas transformer la discipline. C’est porter attention à des détails qui comptent : sensibiliser dès le plus jeune âge au respect et à la bienveillance, écouter les besoins spécifiques des adolescentes, adapter certains gestes pour protéger le corps féminin, dialoguer sur les conditions matérielles, et mettre en lumière des rôles modèles féminins.
Ces ajustements permettent aux pratiquantes de se sentir pleinement légitimes et encouragées. Ils enrichissent aussi la pratique de tous, car l’Aïkido, fidèle à son esprit, se nourrit de la diversité et du respect mutuel.
Yéza Lucas
Elève à l’ACSP
Fondatrice du blog Aikido Millennials
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