Qui n’a jamais vu un uke chuter en diagonale et percuter le couple d’à côté ? Ou un tori tellement absorbé par sa clé qu’il oublie de regarder son partenaire ?
Ces situations ne sont pas rares. Elles créent de la peur, de la crispation et parfois des blessures. Pourtant, elles pourraient presque toutes être évitées.
En Aïkido, la sécurité n’est pas quelque chose d’extérieur à la pratique : elle en fait partie. Elle permet à uke de chuter sans crainte, à tori d’oser ses entrées, et à chacun de progresser en confiance. Car c’est seulement lorsqu’on se sent en sécurité que le corps peut se relâcher, et qu’apparaît un Aïkido plus fluide, plus juste et plus beau.
Voici 8 erreurs fréquentes que l’on voit trop souvent sur les tatami, et qu’il est essentiel de corriger.
1. Chuter en diagonale et couper la trajectoire des autres pratiquants
En cours comme en stage, on voit souvent des uke qui chutent en biais et empiètent sur la ligne d’un autre couple. La collision est alors presque inévitable.
C’est pourquoi il est essentiel, dès les premiers cours, d’apprendre à chuter droit, en ligne, et à orienter les ukemi vers l’extérieur. Une chute bien placée ne protège pas seulement uke, mais aussi tori et tous les autres pratiquants autour.
2. Faire une chute claquée sans tenir compte de l’espace disponible
La chute claquée est une façon spectaculaire de prendre l’ukemi. Elle n’a de sens que lorsque l’intensité du travail le justifie et que l’espace est dégagé. Dès que le tatami est chargé, elle devient hasardeuse : l’amplitude du mouvement déborde vite sur la ligne du couple voisin.
Dans le doute, on simplifie : uke peut choisir de ne pas claquer et de descendre en ukemi simple ; tori peut adapter la réponse et convertir la projection en immobilisation (par exemple, préférer ude garami à kaiten nage quand l’espace manque).
Exemples utiles :
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Sur kote gaeshi, il existe plusieurs sorties : on peut chuter en ligne, sans imposer ni une torsion excessive du poignet, ni un claqué forcé.
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Sur juji garami, ne jamais imposer une chute bras bloqués si uke ne sait pas encore se réceptionner sans ses appuis.
Règle pratique : si vous n’êtes pas sûr de pouvoir guider la chute sans risque, relâchez et laissez uke s’organiser. La sécurité passe avant la forme.
3. Monter sur le tatami avec des bijoux et/ou les cheveux détachés
Les bijoux sont une cause bien connue de blessures : une bague qui accroche, une montre qui heurte, une chaîne qui s’arrache.
Les cheveux longs, laissés détachés, posent le même type de problème : ils peuvent se coincer dans une saisie ou être écrasés dans une immobilisation. Sur certaines techniques comme shiho nage, même une queue de cheval peut rester coincée si elle est mal placée.
C’est pourquoi il est recommandé d’attacher correctement ses cheveux lorsqu’ils sont longs, et de retirer tous les bijoux avant de pratiquer. Ces précautions évitent des blessures inutiles et rendent la pratique plus confortable pour tous.
4. Imposer une intensité de pratique non adaptée à son partenaire
Projeter un débutant comme un ancien, forcer sur un uke plus léger ou maintenir un rythme trop rapide, c’est oublier que l’Aïkido se construit à deux.
Un bon partenaire est celui qui ajuste sa vitesse, sa puissance et son intensité pour permettre à l’autre de travailler en confiance. C’est même un signe de maturité dans la pratique : lorsque les uke, quel que soit leur niveau, se sentent en sécurité avec vous.
5. Accélérer brusquement le rythme pour rattraper son retard
Il arrive que tori démarre lentement, perde la connexion, puis brusque son uke en milieu de technique pour rattraper son retard. Mais uke n’a pas le temps de s’adapter et ce sont ses articulations qui encaissent le choc.
Ce réflexe traduit un manque de contrôle. Une technique mal engagée ne se corrige pas par une accélération brutale. Elle se recommence, calmement, en reprenant le mouvement depuis le début. En Aïkido, la continuité et la fluidité priment toujours sur la précipitation.
6. Ne pas signaler clairement une douleur
Beaucoup d’uke hésitent à frapper, pensant qu’ils doivent “tenir un peu plus”. Ils tapent trop tard, ou frappent trop faiblement. Parfois même, la main est coincée ou cachée et le signal n’est pas perçu par tori, absorbé dans son mouvement.
Pour que la sécurité soit effective, le frappement doit être net, visible et sonore. Uke doit se protéger en se manifestant dès qu’il atteint sa limite. Et tori doit relâcher immédiatement à ce signal. Mieux vaut prévenir tôt que de subir une blessure inutile.
7. Ne pas respecter les distances de sécurité aux armes
Avec le bokken ou le jō, une erreur de distance ou d’axe peut avoir des conséquences immédiates. Un ma-ai mal évalué, une trajectoire trop large ou mal orientée, et c’est le couple voisin qui encaisse.
La pratique des armes exige une vigilance constante : vérifier son espace avant chaque attaque, réduire l’amplitude si nécessaire, changer de ligne si le tatami est chargé. Mais la sécurité ne concerne pas seulement le moment de l’échange : elle implique aussi de ranger ses armes hors du tatami lorsqu’on ne les utilise plus. Dans certains dojos, on passe directement d’un travail aux armes à un travail à mains nues. Si les armes traînent sur le tatami, le risque de chuter dessus est réel.
Les armes nous enseignent la rigueur. Leur maniement, comme leur rangement, ne tolère pas la négligence.
8. Oublier la connexion avec son partenaire lors des clés articulaires et des immobilisations
Dans une clé articulaire ou une immobilisation, certains tori se concentrent sur la mécanique du mouvement et oublient de garder la connexion avec leur uke. Les signaux de douleur passent inaperçus, et le partenaire ne se sent plus en sécurité.
Un tori attentif garde le contact visuel et ajuste la pression de sa contrainte articulaire. La réussite d’une technique ne se mesure pas au moment où uke cède, mais au fait qu’il puisse se relever immédiatement, relâché et prêt à recommencer.
Conclusion : pratiquer relâché, pratiquer mieux
Toutes ces erreurs fragilisent la confiance. Or, sans confiance, il n’y a pas de véritable Aïkido.
Un partenaire agréable n’est pas celui qui impressionne par la vitesse ou la force, mais celui avec qui l’on se sent en sécurité. C’est dans cette sécurité que le corps se relâche, que les ukemi deviennent sincères, et que la pratique révèle toute sa richesse : un Aïkido fluide, puissant et profondément humain.
La sécurité n’est pas une contrainte : elle est le fondement d’une pratique durable et d’un Aïkido de qualité.
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